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16 Temmuz 2020 Perşembe

La Basilique Sainte-Sophie devient une mosquée après 86 ans


L’Histoire de la Sainte-Sophie
La Sainte-Sophie (Ayasofya en turc et Hagia Sophia en anglais) est un temple historique et important pour les musulmans et les chrétiennes à Istanbul. Établi pendant l’empereur Justinien de l’empire Byzantin au sixième siècle, la Sainte-Sophie était d’abord une basilique orthodoxe. Durant l’occupation latine d’Istanbul (1204-1261), la Sainte-Sophie est devenu à une cathédrale catholique pour 60 ans; mais elle a redevenu une église orthodoxe après l’occupation latine. En 1453, pendant le règne de Mehmed II (Mehmed le Conquérant ou Fatih Sultan Mehmet), grâce à la prise d’Istanbul par les Ottomanes, la Sainte-Sophie a été transformé en mosquée.[1] L’empire ottoman a rétabli la Saint-Sophie comme le symbole de la conquête.

Jusqu’à 1934, même dans les premières années de la Turquie moderne, la Saint-Sophie a été conservée comme une mosquée. Mais en 1934, le fondateur de la Turquie moderne et laïque, Mustafa Kemal Atatürk a pris la décision de transformer la Sainte-Sophie en un musée. La motivation d’Atatürk en faisant cette transformation était d’agrandir la légitimité internationale du nouveau pays selon Serhat Güvenç, professeur de relations internationales à l’Université de Kadir Has à Istanbul.[2] Güvenç aussi souligne que la Turquie devenait un membre de la Société des Nations en 1932 et commençait à améliorer ses relations avec des autres pays. D’autre part, Jean Marcou, Professeur à Sciences Po Grenoble et un expert français concentré sur l’histoire politique turque, indique que la transformation de Saint-Sophie en musée était un ingrédient des reformes modernistes d’Atatürk pour la sécularisation de la société et la laïcisation de l’État comme l’interdiction du fez, le changement d’alphabet et l’égalité entre hommes et femmes.[3] Alors, pour Marcou, « redonner à Sainte-Sophie son statut de mosquée permettrait d’effacer un peu de l’héritage d’Atatürk » aussi.[4]

Transformation en mosquée après 86 ans
Transformer Sainte-Sophie en mosquée a toujours été  une idée populiste électorale des politiciens conservateurs. Süleyman Demirel, Necmettin Erbakan et Turgut Özal avaient déjà exprimé leurs intentions d’ouvrir Sainte-Sophie à la prière ; mais ils n’ont jamais pris la décision pour ne pas être en contradiction avec Atatürk, encore un héros national et une figure politique vivante en Turquie. 

Le président actuel de la Turquie Recep Tayyip Erdoğan a adopté une stratégie différente pour changer le statut de Saint-Sophie. Erdoğan a attendu la décision de conseil d’État turc avant de réagir. Lorsque la semaine dernière, le conseil d’État a annulé le statut de musée de Sainte-Sophie, Erdoğan a immédiatement pris la décision -par un décret présidentiel- de transférer la gestion de Sainte-Sophie, jusque-là gérée par le ministère de la culture et du tourisme, à la direction des affaires religieuses, et de rouvrir l’édifice à la prière.[5] Alors Erdoğan était attentif en partageant la responsabilité politique avec le pouvoir judiciaire mais en temps il a utilisé cette transformation pour la politique intérieure. Erdoğan a aussi critiqué Atatürk en disant que la décision en 1934 « n’était pas légale et était une trahison envers l’histoire »[6]Suite à cette décision Sainte-Sophie sera ouverte aux prières musulmanes dès le 24 juillet (la semaine prochaine) mais les touristes pourront toujours la visiter en dehors des heures de prières.[7]

Les réactions
Les réactions à l’islamisation de Sainte-Sophie en Turquie est largement positive. La majorité du peuple turc supporte cette décision. Un sondage organisé par GENAR montre que 69.5 % du peuple turc est favorable.[8] Pour les turcs c’est une question de liberté religieuse et de souveraineté nationale. Mais les partis d’opposition et leurs leaders ont critiqué la stratégie d’Erdoğan et les conséquences possibles au lieu de critiquer la décision elle-même. Par exemple, Kemal Kılıçdaroğlu, le leader du Parti républicain du people (le CHP-Cumhuriyet Halk Partisi)  a dit que ce n’est qu’une tromperie d’attendre la décision de conseil d’État même si le Président Erdoğan a déjà le pouvoir de changer le statut de Saint-Sophie.[9] Ali Babacan, le leader de Parti pour la démocratie et le progrès (le Parti de DEVA-Demokrasi ve Atılım Partisi) a souligné les risques de protéger Sainte-Sophie quand elle sera ouverte à la prière.[10] Sainte-Sophie est sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1985 comme une partie des zones historiques d’Istanbul.[11] Le chef du Parti du Futur (Gelecek Partisi), Ahmet Davutoğlu aussi a indiqué que la Turquie doit être attentive à ne pas provoquer l’islamophobie dans le monde chrétien.[12] D’autre part, le chef du Parti de l’action nationaliste (MHP-Milliyetçi Hareket Partisi) Devlet Bahçeli a défendu la décision du conseil d’État et d’Erdoğan en disant que son parti était content de l’islamisation de Sainte-Sophie.[13] Le leader de Bon Parti (İYİ Parti) Meral Akşener a aussi défendu l’ouverture à la prière tout en avertissant Erdoğan et son parti de ne pas transformer ce sujet en une cause politique.[14]

Contrairement aux réactions domestiques, les réactions internationales face à l’islamisation de Sainte-Sophie, surtout celles du monde occidental, ont été très négatives. Josep Borrell, le le chef de la diplomatie de l'Union européenne a annoncé sa déception et son chagrin concernant  cette décision considérant que Sainte-Sophie est un symbole de l’amitié entre les musulmans et les chrétiens et parce que la Turquie est le leader de l’Alliance des Civilisations avec l’Espagne.[15] Ekateríni Sakellaropoúlou, le président de la république grecque a condamné la décision qu’elle considère comme  « une provocation contre la société internationale ».[16] La Russie et les États-Unis aussi ont également critiqué cette décision. De plus, le pape François a dit qu’il était  « chagriné  » par cette décision.[17] Le Conseil œcuménique des Églises (COE) a aussi exprimé « son chagrin et sa consternation » après la décision des autorités turques dans une lettre au président turc Recep Tayyip Erdoğan, publiée sur le site de l’organisation basée à Genève.[18] Il est aussi surprenant de constater que le monde islamique a accueilli cette décision sans grand enthousiasme. C’est normal car les pays du monde islamique ne sont pas complémentent démocratiques (sauf la Tunisie) et la Turquie a eu récemment des problèmes politiques avec des pays arabes comme la Syrie, l’Arabie Saoudite, l’Iraq, l’Égypte et les Émirats arabes unis. 

L’Analyse politique
Premièrement, je pense que la vie politique possède toujours un élément de symbolisme. Alors pour moi le Président de la Turquie Monsieur Recep Tayyip Erdoğan veut unifier le peuple turc en utilisant le pouvoir de la religion (l’Islam) et la souveraineté nationale. Selon les principes de psychologie politique, les nations font durer/maintiennent leurs intégrités avec la résurrection des victoires choisies (comme les éloges /commémorations nationales des guerres historiques et les fêtes nationales) et des traumas choisis (la déportation de 1915 pour les arméniens ou l’invasion de l’Anatolie en 1919 par les grecs pour les turcs). La conquête d’Istanbul en 1453 est une victoire significative dans l’intellect collectif des turcs. Alors l’islamisation de Sainte-Sophie permet à Monsieur Erdoğan d’unifier le peuple turc et aussi son électorat en revitalisant l’esprit de cette conquête. Mais le problème est que pour le monde chrétien, surtout pour le monde orthodoxe, c’est un grand traumatisme. Alors cette décision peut augmenter les sentiments négatifs contre la Turquie dans l’Europe et les pays qui ont des populations orthodoxes comme la Russie, la Grèce etc. 

Deuxièmement, l’économie de la Turquie ne va pas bien (comme dans tous les pays en fait) et le Président veut créer un succès politique et symbolique pour faire oublier la crise a son peuple. C’est vrai que les votes de l’AK Parti (Parti de la justice et de développement) est encore haut ; mais la tendance est négative. En plus, Erdoğan a maintenant deux nouveaux adversaires politiques (son ancien Ministre de l’Économie Ali Babacan et son ancien Ministre des Affaires Étrangères et Premier Ministre Ahmet Davutoğlu) qui le connaissent très bien. Alors, comme un politicien de droit, islamo-conservateur et populiste, Erdoğan veut écrire un nouveau conte politique avant la prochaine élection présidentielle.   

Troisièmement, le Président Erdoğan comprend bien et suive les tendances macro politiques dans le monde et pense qu’aujourd’hui ce n’est pas le monde de Barack Obama. Dans un monde politique dominé par les leaders populistes et nationalistes comme Donald Trump, Benjamin Netanyahu et Jair Bolsonaro, Erdoğan pense que c’est le temps pour le particularisme, nationalisme et populisme.

Finalement, l’islamisation de Sainte-Sophie est aussi une victoire pour Erdoğan lui-même comme il vient d’un background/milieu politique islamiste. Pendant plusieurs décennies, l’État turc a interdit ou limité les libertés religieuses par peur d’un revanchisme contre la République laïque. L’armée turque a réagi comme l’apanage des groupes séculaires en supprimant ou bloquant les islamistes. La peur de l’islamisme radical pour moi est valide et rationnelle ; mais trouver la compatibilité entre le régime politique et les libertés religieuses est une question ouverte à des idées alternatives. Par exemple, l’interdiction du voile (türban) me semble illogique maintenant comme la plupart des femmes en Turquie le porte. La transformation de Sainte-Sophie est aussi n’est pas un grand danger ; le vrai problème va arriver si le Président Erdoğan essaie de réinstaurer  le califat islamique et changer la structure laïque du pays. Ça parait être une fantaisie ou une théorie du complot pour les turcs mais beaucoup de gens qui étudient et connaissent Erdoğan, comme le journaliste Ruşen Çakır, pensent que c’est le but (ultime) de Monsieur Erdoğan.[19] Le journaliste islamiste Abdurrahman Dilipak a même dit que le Président avait le droit de proclamer le califat.[20] Les gens séculaires d’autre part sont complètement opposés au califat et l’islamisation de l’État. Alors la crise de Sainte-Sophie montre qu’il y a encore une Turquie fragmentaire : les islamistes et les nationalistes traditionnelles (la majorité maintenant), les séculaires (les kémalistes, les nationalistes séculaires et les sociaux-démocrates) et les kurdes. Je pense que pour empêcher la rêve islamiste d’Erdoğan, les séculaires et les kurdes doivent faire collaboration.

La Conclusion
La crise de Sainte-Sophie n’est pas le vrai problème de la Turquie. La crise économique et les problèmes entre des différents modes de vie sont des problèmes réels et plus importants. Mais la crise de Sainte-Sophie peut augmenter les sentiments anti-turcs et islamo-phobiques dans le monde chrétien et peut accentuer l’isolation de la Turquie dans la diplomatie. Ma solution est de transformer Sainte-Sophie en un lieu de culte spécial et autoriser les chrétiens à y prier le dimanche  pour quelques heures.   

Dr. Ozan ÖRMECİ


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